Je t'en laisse le soin

Il y a 36 ans presque jour pour jour, John Cale clôturait sa trilogie des années Island par l'album "Helen of Troy". Ancien membre fondateur du Velvet Underground, le gallois va enregistrer pendant cette période des albums très personnels abordant des genres assez variés avec des chansons toujours très mélodiques, souvent un peu étranges.

Cherchant un ami, cherchant partout
J'ai marché le long des boulevards, le boulevard des amis
Tous ces doux amis que j'ai
Ils sont imprudents, et il en tombe
De partout, de toute la ville
Je ne veux pas qu'ils me parlent.
 
Parce que je t'en laisse, je t'en laisse, je t'en laisse le soin
Je dois t'en laisser, t'en laisser, t'en laisser le soin
 
Tous ces bâtiments s'effondrent
Comme les murmures dans ton cœur
Que c'est sordide comme la vie continue
Alors que j'aurais pu te mettre en pièce
Et si tu me donnes la moitié d'une chance
Je le ferais de suite, je le ferais de suite, tout de suite, sale fasciste
Je sais qu'on pourrait tous se sentir en sécurité comme Sharon tate
On pourrait tout sacrifier, on pourrait tout, on pourrait tout sacrifier
Et les journaux, ah les journaux !
Ils écouteraient, ils m'écouteraient te le remettre
Et la radio, que feraient les radios ?
Ils m'écouteraient te le remettre
 
Vrai, bien vrai.
 
J'entends siffler, j'entends siffler au loin
J'entends les tanks rouler au pas
Ils prennent d'assaut la colline, ils prennent d'assaut la colline
Comme les serpents à sonnettes sous le soleil du désert
Ils font craquer mon sortilège, ils le déchirent complètement
Ils le rompent, ils rompent mon sortilège
Et qu'est ce qu'il reste ? Qu'est ce qu'il me reste ?
Qu'ai-je d'autre à part ce sortilège ?
 
Ah t'en laisser, t'en laisser, je t'en laisse le soin
T'en laisser, t'en laisser, t'en laisser le soin
Le laisser, le laisser, te le laisser à la consigne
 
Je dois y renoncer, je dois y renoncer, y renoncer
Y renoncer...
 
Je ne peux pas le supporter !

Alors que les précédents albums "Fear" et "Slow Dazzle" sont relativement tranquilles malgré quelques morceaux annonciateurs, l'album "Helen of Troy" est habité d'une tension extrême et marque une longue descente dans la folie, témoin de la pression et des mauvais coups de la vie dont Cale est victime. D'ailleurs cette pochette géniale le représentant avec une camisole annonce la couleur, et ce morceau en est le digne représentant.

Ici le rythme est lourd, les guitares sont sales et la mélodie torturée. La voix de Cale d'abord désabusée, se charge progressivement d'angoisse et de rage jusqu'à devenir bestiale et confiner à la folie, se vidant de toute humanité dans une interprétation époustouflante. Faisant allusion à Sharon Tate, épouse de Roman polanski assassinée en 1969, la chanson sera dans un premier temps retirée du disque par le label qui la juge trop dangereuse. Elle reviendra toutefois au fur et à mesure des rééditions.